Le Secret de la Nuit aux Bougies

La veille de Noël, au château, il se passait toujours quelque chose d’étrange.
Pas effrayant.
Juste… inexplicable.

Cette année-là, tout commença par une bougie qui refusa obstinément de s’éteindre.

Célestin, le gardien des clés — un homme si discret que même les murs l’oubliaient parfois — souffla une première fois. Puis une deuxième. Puis une troisième. La flamme vacilla, mais resta droite, fière, comme si elle avait décidé de passer Noël éveillée.

— Très bien, marmonna-t-il. Fais comme chez toi.

Au même instant, dans la cuisine, Madeleine renversa une pincée de cannelle de trop dans le vin chaud. Elle goûta. Grimaça. Puis sourit.

— Tant pis. Ce sera un Noël courageux.

Car Madeleine avait ce don rare : elle comprenait les lieux anciens. Elle savait quand une maison avait besoin de rires, quand elle réclamait du silence, et quand, surtout, elle préparait un mystère.

Dehors, la brume montait de la Galaure, glissant lentement jusqu’au rocher. On aurait juré qu’elle connaissait le chemin.

C’est alors qu’apparut Éloi.

Personne ne sut vraiment d’où il venait. Il se présenta simplement à la porte, manteau poudré de givre, sourire un peu trop calme pour quelqu’un arrivé par le froid.

— Bonsoir, dit-il. J’ai suivi la lumière.

— Ici, répondit Célestin, on suit surtout l’instinct… et parfois le vin chaud.

Éloi rit. Un rire clair, comme s’il connaissait déjà la maison.

À mesure que la nuit avançait, le château changea subtilement. Les pierres semblaient se rapprocher, les couloirs raccourcir, et la chapelle, juste à coté, s’illumina de bougies sans que personne ne les ait allumées.

— Ce lieu aime Noël, souffla Madeleine. Il le prend très au sérieux.

Mais le château aimait aussi l’amour.
Et cela, il le montrait avec un sens du timing parfois discutable.

Chaque fois qu’Éloi et Madeleine se croisaient, une porte grinçait, une bougie vacillait, ou une cloche lointaine sonnait trop tôt. Comme si le lieu tentait, avec une délicatesse toute médiévale, de les pousser l’un vers l’autre.

— Il insiste, murmura Éloi.

— Il a toujours été un peu entremetteur, répondit Madeleine.

À minuit, la bougie indomptable s’éteignit enfin.
La brume se dissipa.
Le mystère se referma doucement.

Éloi disparut avant l’aube, laissant derrière lui une simple clé ancienne, posée sur la table.

Sur le métal, un mot gravé :

“Reviens.”

Chaque Noël depuis, Madeleine allume une bougie de plus.
Au cas où le château déciderait, encore une fois, d’inviter l’amour à rester.

Et Célestin, lui, garde les clés.
Toutes les clés.
Même celles des histoires qui n’attendent que d’être racontées.


Les contes de la Galaure © 2025 – Dali Berthois

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