Connaissez-vous la fin tragique d’Isoarde des Baux ?
La suite romantique porte son nom car elle fut emprisonnée au château de Vals, juste en face des fenêtres de la suite ….
Voici son histoire …
LA PENNE : en l’an de grâce 1346…
Une fois n’est pas coutume, intéressons-nous à nos tout proches voisins. C’est qu’en 1346, le château féodal de La Penne fut le théâtre d’un dramatique fait divers. Les personnages : En cette année-là, le dauphin Humbert II est parti en croisade contre les Turcs. Il laisse la régence du Dauphiné à l’archevêque de Lyon, Henri de Villars. Un personnage dont on reparlera.
A La Penne, c’est Pons de Mauvoisin (ou Malvoisin) qui règnent maître du haut de son château dont une des tours est appelée, à l’époque, tour de l’émir (souvenir des Sarrasins ?). Il a un frère, Albert de Malvoisin, chevalier de son état.
Pons est marié à Isoarde (ou Isarde) des Baux. Venant d’une cour raffinée, Isoarde ne pouvait que s’ennuyer à La Penne où les mœurs étaient certes plus rudes ! De même que ses trois frères, elle jouissait d’une grande réputation de noblesse dans tout le Midi, du fait qu’un de leurs ascendants avait été Prince d’Orange. Mais surtout, l’un de ses trois frères, Bertrand des Baux, est le père de la Dauphine !
Isoarde et Pons, quelle drôle d’alliance : probablement encore un « arrangement » entre le Dauphin et la famille des Baux. N’oublions pas qu’il n’y a qu’une dizaine d’années que le seigneur de Brantes, Bertrand des Baux (!), est venu détruire Pierrelongue et tuer ses habitants…Les personnages et le lieu sont campés. Venons-en aux faits.
Le complot d’Isoarde, en plus d’être de haute noblesse et probablement très jolie, Isoarde était d’un tempérament très jaloux. A-t-elle eu vent d’une infidélité de son époux ou le soupçonnait-elle seulement, était-elle morte d’ennui dans ce château sans comparaison avec le confort des Baux ? Toujours est-il qu’elle conçut le projet de supprimer son seigneur d’époux ! Bon, me direz-vous, la vie à l’époque avait moins de valeur qu’aujourd’hui. Mais le mobile de cet assassinat devait être assez énorme pour qu’une femme, fit-elle noble, puisse le concevoir !
Quelques murs encore debout du château de La Penne…Isolée comme elle l’était, elle devait agir sans complicité et donc trouver le moment propice où elle trouverait son époux fatigué, affaibli ou ivre, comme ça devait probablement souvent lui arriver.
Le passage à l’acte Le 10 juin de cette année 1346 lui offrit l’opportunité de mettre son projet à exécution. Ce jour-là, son mari organise une chasse assez importante qui se prolonge jusque dans l’après-midi. Ereinté, il rentre au château avec ses gentilshommes, laisse aux valets le soin de s’occuper de son cheval, il mange, boit à satiété (et même plus) et va ensuite se coucher sans demander son reste. L’une des conditions requises étant remplie, il fallait à présent se retrouver absolument seule avec son époux.
Prétextant la fatigue de celui-ci, Isoarde éloigne toutes les personnes présentes dans ses appartements. Pons est en train de ronfler bruyamment en rêvant peut-être du sanglier qu’il poursuivait deux heures auparavant. Armée d’une hache, elle s’approche du lit, soulève l’arme des deux mains, mais elle hésite un moment. A cet instant, sortant de son sommeil, Pons marmonne quelques mots de tendresse à l’égard de son épouse : il vient de signer son arrêt de mort.
La hache s’abat maladroitement sur le torse du malheureux qui hurle en jaillissant de son lit, mais un second coup, plus ajusté sur la tête, aura raison de lui. Isoarde prend peur. Les cris du seigneur ont alerté les domestiques qui frappent à la porte de l’appartement. Isoarde n’ouvre pas, mais les gens de Pons enfoncent la porte et trouvent leur maître exsangue sur son lit, son épouse toujours armée de la hache, ainsi que du sang partout dans la chambre ! La victime et le coupable étant tout désignés…
Les gens de La Penne retiennent prisonnière Isoarde des Baux jusqu’au petit matin et font alors prévenir le régent. Le procès Instruit des faits, Henri de Villars, régent du Dauphiné, comme nous l’avons vu au début de cet article, ordonne de faire conduire la Dame de La Penne au château de Vals (près de St-Vallier) et de la remettre entre les mains de la Justice, c’est-à-dire de Laurent Roger, vice châtelain de Moirans et François de Cagni (ou du Coing), juge-mage du Viennois.
Ce dernier enjoindra aux gardiens, sous peine de mort, d’interdire à la prisonnière quelque contact que ce soit avec l’extérieur. Très vite, le procès est instruit. C’est une affaire délicate, vu la parenté directe de la prisonnière avec le Dauphin : Isoarde est tout de même la tante de la Dauphine. Il fallait des aveux. Bien que la culpabilité fût clairement établie, il fallait savoir qui étaient ses complices. Henri de Villars est très ennuyé de cette situation. Les enquêteurs sollicitent un interrogatoire. Le régent accepte finalement la requête.
Le 13 décembre, on décida donc de soumettre la Dame de La Penne à la question. Ayant agi seule, elle ne prononça aucun nom. De guerre lasse, le tribunal décide de trancher. La sentence intervint rapidement : coupable ! Et la peine, dans la même foulée : la mort ! Elle fut condamnée à être brûlée vive en place publique, à Romans.
Le bûcher fut installé le 6 février 1347 sur la route, entre Romans/Isère et St-Paul, et la Dame de La Penne y périt le même jour devant une foule immense venue de tous les alentours.
Nous avons retrouvé un compte-rendu assez vivant de cette condamnation aux archives de Nyons : « Au mois de février, la dame de La Penne est brûlée après jugement, sous les ormes de Romans, en présence du peuple.1 » Le marquis de Valbonnais, dans son histoire du Dauphiné, ajoute qu’elle « fut mise à la question sans avoir égard à sa parenté avec la dauphine. Elle fut exécutée le 6 février 1347. » Les suites A. Barginet a retrouvé dans le cartulaire de la cathédrale de Romans un récit sur la mort de Pons de Mauvoisin écrit de la main de son frère cadet, le chevalier Albert de Malvoisin (ou Mauvoisin)en 1348. Le chevalier y allouait une rente de dix florins d’or au profit de l’église afin de perpétuer le souvenir de son aîné, lâchement assassiné.
Mais La Penne devait continuer à vivre et c’est le fils de Pons, Louis de Mauvoisin qui succéda à son père.