Les Nuits de Diane
Il existe, entre les deux tours du château, un secret que seuls les anciens connaissent.
Une nuit par an — toujours à la même date, mais que nul ne sait prédire — la lune s’y glisse exactement entre les pierres.
Elle inonde alors la cour d’une clarté si pure qu’on dirait qu’elle vient d’un autre monde.
C’est la Nuit de Diane.
Les pierres se parent d’argent, la rivière se tait, et le jardin tout entier semble retenir son souffle.
Ceux qui veillent à cette heure-là affirment voir passer, dans un silence d’air tiède, une silhouette drapée de soie claire, le front ceint d’un croissant de lune.
Diane de Poitiers, dit-on, revient alors visiter ces terres où elle aimait se retirer loin des intrigues de la cour.
Elle ne cherche ni trône ni gloire — seulement le reflet de son propre souvenir sur les eaux calmes de la Galaure.
Sous les peupliers, on l’entend parfois murmurer :
« Rien ne s’efface, tout se transforme… la beauté survit aux siècles, tant qu’un regard l’admire encore. »
Quand l’aube approche, la brume se lève sur la colline, et la dame disparaît comme un parfum oublié.
Mais si l’on prête attention, il reste sur la pierre un éclat argenté,
ou sur la rambarde du balcon un pétale humide de rosée —
qu’on dit tombé de sa robe de lune.
Et, chaque fois que la lune s’aligne à nouveau,
un souffle léger traverse la Suite Adorée de Diane.
Les rideaux frémissent comme effleurés par une main invisible,
la lumière devient plus douce, presque argentée,
et sur le lit, un pli se forme,
comme si quelqu’un venait tout juste de s’y asseoir.
Alors, ceux qui dorment là, sentent un parfum de jasmin et d’eau claire,
et rêvent d’une femme au regard calme,
qui veille sur eux un instant
avant de s’effacer dans la lumière du matin.
Les Contes de la Galaure © Dali Berthois – 2025
Œuvre romancée inspirée du Château de Rochetaillée et de ses légendes